L’institution sociale qu’est la propriété n’a certainement jamais été aussi développée, sophistiquée et protégée. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les formes de propriété immatérielle ou “incorporelle”, comme le dit le Code de Propriété Intellectuelle. La protection de cette propriété n’a jamais été aussi puissante, que ce soit en termes de durée (passage bientôt de la durée des droits voisins d’interprète et de producteur de 50 à 70 ans), de sanctions, ou d’étendue. La propriété sur l’immatériel se décline en de multiples branches : droits d’auteur, droits voisins, droit des bases de données, droit des marques, droit des brevets, droits des dessins et modèles, droit des topographies des semi-conducteurs, droit des obtentions végétales, etc. Ce raffinement permet à certains acteurs de chercher à s’approprier les objets plus improbables : le nombre Pi, les positions du yoga, des os de dinosaures, la couleur magenta, le chant des oiseaux et bien d’autres choses plus incongrues encore ! Cette course à l’appropriation déclenche dans le domaine industriel des guerres farouches, où les titres de propriété intellectuelle remplaçent les missiles, à tel point que l’on a pu dire que l’apparence du dernier né des smartphones de Samsung, le Galaxy SIII, avait été conçue autant par des avocats que par des designers, afin d’éviter les poursuites d’Apple !
Que reste-t-il de la propriété dans l’environnement numérique aujourd’hui ?
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Mimi and Eunice, Par Nina Paley. Copyheart : please copy and share.
Pourtant, d’un autre côté, l’environnement numérique exerce à l’évidence une action corrosive sur la notion de propriété. C’est bien entendu l’effet des moyens technologiques, qui offrent des facilités de reproduction et de diffusion des contenus sans précédent, avec en toile de fond le problème lancinant du partage/piratage. Mais ce n’est pas sous cet angle rebattu que j’ai voulu concevoir cet atelier. J’ai plutôt voulu cibler l’expérience même des internautes et des consommateurs, dans leur rapport avec la propriété des contenus. numériques. En effet, alors même que le passage de la rareté des contenus à leur abondance semble mettre à notre portée en un clic une richesse inégalée de biens immatériels, la propriété que nous pouvons revendiquer sur eux semble se déliter et se dissoudre graduellement. A l’heure du streaming, du cloud computing, de la mobilité, des DRM, des licences d’utilisation, des CGU, que reste-t-il vraiment de la propriété dans l’environnement numérique ?