On reproche parfois aux activistes pour la réforme ou l’abolition du monopole du droit d’auteur qu’ils «détestent la culture». C’est aussi surprenant que faux, vu à quel point le droit d’auteur est dommageable pour les artistes et la culture. Nous aimons la culture. C’est pour cette raison que nous critiquons le monopole.
Non seulement cela donne l’impression d’avoir affaire à des évangélistes de la Manif pour Tous 1 mais en plus c’est totalement à côté de la plaque. C’est précisément parce que nous aimons la culture que nous ne cessons de critiquer les monopoles des droits patrimoniaux comme les plus gros inhibiteurs de créativité dans la société actuelle, y compris selon les études financées par des monopolistes eux-mêmes.
Concentrons nous sur deux points essentiels : la disponibilité de la culture et la compensation des artistes.
Disponibilité de la culture
Si plus de culture que jamais est aujourd’hui disponible, ce n’est pas grâce aux droits patrimoniaux mais contre eux. Les gens créent plus que jamais bien que ça soit souvent illégal. La plupart des La plupart des artistes en devenir ont un profond dédain pour les monopoles des siècles derniers qui les empêchent de créer comme ils l’entendent: 100 heures de vidéo sont mises en ligne sur Youtube chaque minute. C’est 6000 fois plus qu’un chaîne de diffusion en continu. Ça veut dire qu’un seul site de vidéos concentre autant de vidéo par heure que 6000 chaînes de télé. Bien sûr, la plupart de ces vidéos enfreignent d’une manière ou d’une autre les droits patrimoniaux.
Il y a pire. Lorsque vous regardez la quantité de culture disponible à travers les anciens monopoles, vous remarquez qu’il existe un énorme trou noir dans notre héritage culturel. Apparemment, il ne doit pas être intéressant de publier les vidéos des années 50 et 60. Ou plutôt, ce n’est que lorsque les monopoles expirent que cette culture sinon disparue réapparaît à travers de nouvelles publications. En attendant, 90% de la culture du 20ème siècle est dans les limbes. (…)
À force d’étendre les durées des droits patrimoniaux soit disant pour nourrir les artistes, le système actuel s’assure en fait que 90% de la culture moderne disparaisse faute de droits pour l’archiver, la publier, la remodeler. Qu’un système qui s’empresse de faire mourir en 20 ans toute culture s’arroge l’apanage de l’amour de la culture est suspicieux.
Compenser les artistes
Le deuxième reproche qu’on me fait le plus souvent est que l’abolition du monopole des droits patrimoniaux ou leur réduction ruinerait les “artistes”. Je trouve cela presque obscène quand on sait que 99% des musiciens ne sont pas publiés par un gros producteur et que parmi les heureux élus seuls 0.05% touchent des royalties.
Concrètement: pensez-vous vraiment que les maisons de production traditionnelles seraient en mesure de jauger et rémunérer les 100 heures de vidéos mises en ligne par seconde sur Youtube ? Ils sont simplement dépassés, hors-jeu, et leur confier le monopole de diffusion de la culture est hors-contexte. Comme nos sociétés le font malgré tout, elles s’assurent que 99,995% des artistes ne gagnent jamais un centime de leurs productions par le circuit traditionnel. Comment défendre un système pareil par amour de la culture ?
Le seul effet du système actuel est d’enrichir des intermédiaires devenus parasistiques qui disent parler au nom des artistes mais les volent sans complexe, avec la complicité active des sociétés de gestion, critiquées années après années pour leur manque de transparence. Malheureusement, beaucoup d’artistes sont souvent des victimes consentantes, le prestige de l’édition traditionnelle restant fort.
Conclusion
Le système actuel censure les artistes en devenir, empêche la diffusion de l’art et de la culture, isole les artistes de leurs aficionados, bloque une juste rémunération des artistes et s’assure que 90% de la production culturelle contemporaine termine aux oubliettes en moins de 20 ans. Objectivement, il faut être un fanatique religieux bon pour l’hospice pour défendre qu’un tel système existe par amour de la culture. Il est temps de prendre le taureau par les cornes pour renverser les préjugés.
>>> Source & plus d’infos sur : http://politiquedunetz.sploing.be/2013/11/comment-quelquun-qui-aime-la-culture-peut-il-etre-un-monopoliste-du-droit-dauteur/