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Comment assurer aux créateurs protection et usufruit ? Le droit d’auteur et le brevet ont apporté une part de réponse à cette question par l’attribution d’un droit de propriété. Le système se pare de toutes les vertus : propriétaire de son travail intellectuel, le créateur est reconnu pour sa contribution au progrès, il est incité à mettre ses oeuvres et son savoir à la disposition du public sans crainte d’être pillé, et contre rétribution. La propriété intellectuelle a donné un statut aux inventeurs et aux auteurs, et c’est sans doute sa plus grande qualité. Mais la notion de propriété considérée comme le levier de leur indépendance appelait en regard la notion de marché. Le bien immatériel entrait dans le champ de la marchandise.

Au fur et à mesure, cette dimension marchande de la propriété intellectuelle a pris de l’ampleur, et le pas sur la protection et la reconnaissance des créateurs. Le droit d’auteur créé pour des Lamartine échoit aujourd’hui à Universal Music et à la Star Ac’. Le brevet de Pasteur est désormais celui de l’Oréal ou d’IBM. La connaissance et la culture, liens indispensables à la collectivité, sont devenues des biens de consommation. « Si le livre n’est pas un produit comme un autre, il est tout de même un produit », écrivait l’éditeur Jérôme Lindon.

Cette façon de voir semble désormais caduque, car elle ignore les pratiques réelles d’échange, d’emprunt, de partage, jugées sacrilèges si l’auteur ne peut les valider. Elle refuse le sample, le remix, et autres formes d’appropriation créative auxquelles le numérique et les réseaux ont apporté un développement fulgurant. Même méfiance à l’égard de la création issue de précédentes créations. Les psychorigides de la propriété intellectuelle n’en veulent pas, niant la dimension collective de l’innovation et de la culture, mais attribuant un droit de propriété à un individu alors même que la connaissance s’appuie sur « tout l’actif préalable du travail humain », selon la formule de Léon Blum.

Cette conception est fondée sur une figure mythique, celle du génie romantique, dont l’empreinte a forgé les grands principes de la propriété intellectuelle et imprimé sa marque sur les développements de celle-ci depuis le xviiie siècle, particulièrement en France. Cet artiste ou cet innovateur idéalisé fausse désormais le regard que la société porte sur les auteurs. Ce mythe, dont la force a permis aux créateurs de conquérir leur autonomie face aux pouvoirs des États et des mécènes, a aujourd’hui pris la forme d’un récit-alibi, digéré par des marchands qui l’ont mis au service de leur propre travail de prédation. Mais l’imposture ne saurait se prolonger indéfiniment : un autre acteur est apparu, le hacker, ce programmeur féru d’échange et de partage. Un personnage pour qui l’appropriation par le public est la source même de la créativité de la société. La figure du hacker est d’ores et déjà en passe d’effacer celle du génie romantique dans tous les champs de la création.

La guerre au public …

>>> Source & suite sur : http://docs.covertprestige.net/piraterie/07-chapitre4.html

>>> Auteur : Florent Latrive, dans “Du Bon usage de la piraterie”

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